Les Lettres Modernes

Biographie de Maupassant

Par admin castella, publié le lundi 20 juin 2011 13:30 - Mis à jour le lundi 20 juin 2011 13:30

Guy de Maupassant (1850-1893)

 

Une enfance normande

 
Guy de Maupassant est né le 5 août 1850 dans le château de Miromesnil, près de Dieppe. Sa mère est Laure Le Poittevin, sœur d'un grand ami de Flaubert. Elle a épousé Gustave Maupassant à qui elle demande de trouver dans sa généalogie une particule. Chose faite, ils achètent un château avant la naissance de Guy.
 
Si l'enfance de Maupassant est plutôt heureuse, dans la campagne normande (il apprécie le monde paysan), sa mère vit des heures difficiles. Gustave est un mari violent. Laure parvient à quitter le domicile conjugal et Guy l'accompagne. Dans de nombreuses nouvelles, le thème de l'enfant abandonné ou naturel reviendra souvent.
 
Il est chassé du séminaire pour indiscipline et va poursuivre ses études dans un lycée à Rouen. Il envoie ses premiers poèmes à l'un de ses correspondants privilégiés, Louis Bouilhet, un ami intime de Flaubert, qui l'encourage dans cette voie poétique. Maupassant est persuadé qu'il fera un grand poète. L'homme est aussi un athlète qui n'hésite pas à parcourir 40 kilomètres en barque les week-end. De là sa silhouette trapue, musclée, celle du « taureau normand », comme le surnommeront les frères Goncourt. Le jeune homme monte à Paris pour trouver un métier, commencent alors les années de formation littéraire.

 

Les années de formation : 1870-1880

 
En 1870, il s'engage comme garde mobile dans l'armée et assiste à la déroute française contre les Prussiens. Il traite ce sujet dans plusieurs nouvelles, notamment Boule de Suif (1880) ou les Deux Amis.

Après la guerre, il est employé comme commis au Ministère de la Marine puis à l'Instruction Publique. Il côtoie les bureaucrates, jauge les petitesses de ses collègues fonctionnaires et s'ennuie ferme dans son bureau. De ces souvenirs maussades,il tirera d'excellentes nouvelles. Pour se divertir Maupassant fréquente les guinguettes en bord de Seine, prend des allures de jeune snob, à l’élégance militaire et d'une séduction irrésistible.
 
En 1871, Flaubert devient le guide de Maupassant. Il l'incite à pratiquer des exercices de style, lui prodigue des conseils pour donner « l'illusion du réel » dans ses textes en se reportant aux petits faits vrais, et lui présente Daudet, Huysmans, la Princesse Mathilde et surtout Emile Zola. Maupassant quitte alors les bureaux poussiéreux du Ministère pour découvrir le milieu des revues littéraires et des journaux. Il écrit notamment pour Le Gaulois et le Gil Blas en tant que reporter, et entre dans un monde aux codes affûtés qu'il décrira plus tard dans Bel Ami.
 
En 1875, il écrit sa première nouvelle : la Main d'écorché. Alors qu'il avait sauvé de la noyade le poète anglais Swinburne, Maupassant est invité chez son hôte dans son château qu'il partage avec un ami cher, un singe et un domestique un peu jaloux. Sur une table, l'écrivain aperçoit une main jaunie à l'aspect parcheminé. Le poète lui explique qu'il s'agit là de la main d'un criminel supplicié. Etrange main que Maupassant gardera en mémoire, fasciné par ce trophée repoussant.
 
Durant ces années, Guy de Maupassant façonne son style auprès de son maître. Il écrit à ce sujet : « J'ai travaillé pendant 7 ans avec Flaubert, sans écrire [publier] une ligne. Pendant ces 7 années, il m'a donné des notions littéraires que je n'aurais acquises en 40 ans d'expérience. »  Peu avant sa mort, Flaubert aura le plaisir de voir le succès remporté par la première nouvelle de son poulain : Boule de Suif parue en 1880 dans le recueil [des] Soirées de Médan dirigées par Zola. Maupassant est donc
réaliste de par sa formation au contact de Flaubert. Il devient ensuite naturaliste par son engagement aux côtés d’Emile Zola (le père du naturalisme).

 

Maupassant et les femmes

 
 
Bel homme, à la puissante musculature, à l'instinct chasseur, Maupassant aime autant pratiquer intensément la barque que traquer le gibier dans les bois et les femmes dans les salons. Aucune ne lui résiste, selon les hommes qui l'ont approché, et ses prouesses sexuelles ne cessent d'étonner ses proches, y compris Flaubert.

Un soir que Maupassant offrait un souper à ses amis (Flaubert et Huysmans entre autres), il se vante d’être capable de « lasser une femme ». Pour appuyer ses dires, il invite ses 14 convives à se rendre chez une de ses maîtresses, rue Feydeau, et devant une assistance autant médusée qu'amusée, il se met à honorer 5 fois la maîtresse des lieux ! Ces nuits d'orgies sont souvent rapportées par les écrivains de l'époque, Zola notamment dans La Curée, et Flaubert, quant à lui trouvait ce genre d’aventures très rafraîchissant.
 
Boute-en-train selon les frères Goncourt et facétieux, Maupassant crée une confrérie occulte particulière « où on ne saurait être admis sans endurer des épreuves érotiques et scatologiques si périlleuses qu'elles peuvent causer dans la personne physique des impétrants certains troubles graves, voire mortels. » L'homme se plaisait à reculer toutes les limites !
 
Les femmes se disputaient les faveurs de Maupassant, lui corrigeaient ses épreuves, lui prodiguaient mille soins (souvent mal récompensés) et l'introduisaient dans les milieux mondains en échange de quelques heures accordées. Le séducteur n'a jamais caché son intérêt pour les femmes et dans une lettre qu'il envoie à Flaubert, on croirait lire du Bel Ami, le talent de l'artiste en plus :
« Plaire aux femmes ! Voilà le désir ardent de presque tous. Etre par la toute puissance du talent, dans Paris, dans le monde, un être d'exception, admiré, adulé, aimé, qui peut cueillir presque à son gré les fruits de chair vivante dont nous sommes affamés ! Entrer partout où l'on va, précédé d'une renommée, d'un respect et d'une adulation et voir tous les yeux fixés sur soi, et tous les sourires venir à soi. C'est là ce que recherchent ceux qui se livrent à ce métier étrange et difficile de reproduire et d'interpréter la nature par des moyens artificiels. »
 
Officiellement Maupassant n'a pas de descendance. Mais il a accepté de subvenir aux besoins d'une certaine Joséphine, habitant Vincennes, qu'il avait rencontrée lors d'une cure thermale et avec laquelle il a eu 3 enfants, deux filles et un garçon. 
Cette vie débridée cause cependant des soucis au Bel Ami. En effet, jeune, Maupassant contracte la syphilis qui lui donne d'atroces maux de tête à mesure qu'il perpétue ses excès. L'utilisation de drogues, toujours plus fortes, jusqu'à la morphine, mettra un terme à sa quête d'assouvissement physique et moral.

Les années à succès : 1880-1891

 
 
Premier coup d'essai, premier coup de maître, avec en 1880 la nouvelle Boule de Suif. Maupassant entre alors dans le cénacle des écrivains naturalistes. En 1881, il publie son premier recueil : La Maison Tellier.

Commence alors un marathon littéraire de 10 ans. Maupassant publie en effet 6 romans et près de 300 nouvelles, regroupées en recueils.

En 1883, c'est l'héroïne d'Une Vie, Jeanne, bourgeoise naïve et rêveuse, bafouée par son mari.

Puis Bel Ami, raconte, en 1885, un récit qui pourrait être autobiographique tant il s’inspire de l’expérience de Maupassant. Mais il est plus que cela : c’est un roman dans lequel le pessimisme de l’auteur est évident. Mais paru sous forme de feuilletons pendant les obsèques nationales de Victor Hugo, il passe d'abord inaperçu.

En 1887 le Mont Oriol s'attache  aux amours dans une station thermale.

Pierre et Jean, en 1888, expose l'affrontement de deux frères sur fond de bâtardise. La préface est restée célèbre pour sa théorisation de l’esthétique réaliste.

En 1889, Fort comme la mort relate les amours tourmentées d'un peintre.

Et la fatigue finit par se faire ressentir dans Notre Cœur en 1890, qui dresse le portrait de différents types humains. 
 
Fort de ses succès, Maupassant se constitue une véritable petite fortune.  Il s'achète une somptueuse villa à Etretat, véritable havre de paix idéal pour l'écriture et la chasse, qui reste une vraie passion. De même il devient le propriétaire d'un voilier, baptisé « Le Bel Ami », et fait de nombreux voyages en Méditerranée (Corse, Italie, Algérie, Tunisie) sur les traces de son maître, Flaubert.
Il rapporte des récits de voyage : Au soleil, en 1844 ; Sur l'eau en 1888 et La Vie errante en 1890. Le thème de l'eau revient souvent dans ses nouvelles, à la fois apaisante et inquiétante, miroir de l'âme.
Le succès n'épargne pas du ridicule. Son idée de faire construire une montgolfière qui relie Paris à La Belgique, et sa réputation de grand séducteur, lui valent le surnom du « monte-en-l'air ». Les moqueries ne l'empêchent pas de refuser la légion d'honneur en 1888, comme Flaubert avant lui, en expliquant qu'il n'admet  aucune « hiérarchie officielle dans les Lettres », et que les frères Goncourt tiennent le haut du pavé.

Maupassant est attaché à faire fructifier ses biens et, après une tentative ratée de créer sa propre maison d'édition avec des confrères, il s'intéresse à la vente de ses œuvres, à leur publicité. Pendant 10 ans, le succès sourit à l’auteur du Horla, mais des ennuis de santé vont le rattraper.

Les années sombres

 

Maupassant aime la vie, mais il aime surtout la brûler si on en juge par ses excès.
Excès principalement physiques : les femmes, et surtout les drogues. Atteint de la syphilis, il utilise les « paradis artificiels » pour se soulager des maux de tête qui deviennent de plus en plus insupportables. Héroïne et morphine achèvent de détruire son corps abîmé par les abus.
 
A propos de la rédaction de Pierre et Jean, l'auteur avoue dans une lettre à un ami : « Ce livre que vous trouvez sage, je n'ai pas écrit une ligne sans m'être enivré d'éther. J'ai trouvé dans cette drogue, une lucidité supérieure, mais elle m'a fait beaucoup de mal. »

Hallucinations, crises d'angoisse, sentiment d'être suivi par un double mystérieux (le Horla est la traduction littéraire de ces symptômes), Maupassant fait une tentative de suicide en 1891. La crainte de la folie le hante depuis qu'il a été amené à faire interner son frère, qui dans un accès de fureur avait tenté d'étrangler sa femme.
 
Les Goncourt notent le changement radical qui s'est opéré en leur ami : en 10 ans, Maupassant est passé du joyeux farceur à un homme au visage émacié, décharné, ce qui les conduit à écrire que l'auteur  ne « semble pas destiné à faire de vieux os. »
 
De plus en plus malade, Guy de Maupassant est finalement interné dans la clinique du Docteur Blanche, médecin célèbre, qui s'occupa également de Gérard de Nerval. Il meurt 18 mois plus tard, le 6 juillet 1893. A son enterrement, au cimetière Montparnasse, Emile Zola prononça un discours funéraire, mais les écrivains de la nouvelle génération ne se déplacèrent pas.